Inserm 1266 Institut de Psychiatrie et Neurosciences de Paris (2024)

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Sommaire
Presentation
Qu’est-ce que l’addiction ?
L’Anorexie mentale
Notre recherche récente sur l’Anorexie mentale
Analyse phenotypique et endophenotypes
Analyse développementale
Génétique et épigénétique : marqueurs biologiques
Modèles animal
Conclusions

Le laboratoire axe son travail sur la recherche de facteurs prédictifs et/ou de vulnérabilité aux comportements addictifs, notamment les troubles des conduites alimentaires dont l’anorexie mentale et le mésusage de substance dont l’alcoolo-dépendance.

Les approches utilisées dans notre laboratoire sont triples, l’analyse phénotypique/endophenotype, développementale et génétique/épigénétique des comportements addictifs. Nous corroborons ces approches à des analyses fonctionnelles de biologie moléculaire et génomique sur des modèles in vitro de cultures cellulaires et in vivo chez l’animal.


Le but de nos travaux est d’identifier des biomarqueurs de diagnostic et de pronostic des addictions et en particulier l’anorexie mentale afin de proposer des soins les plus adaptés aux patients et de développer de nouveaux traitements.

Figure : Représentation de nos travaux de recherches

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Qu’est-ce que l’addiction ?


Les troubles addictifs constituent un large concept partageant des caractéristiques communes. En tenant compte de la définition de Aviel Goodman en 1990, les conduites addictives sont soit une source de plaisirs que l’on recherche (renforcement positif) soit une source de soulagement que l’on veut éviter (renforcement négatif). On retrouve une perte de contrôle de la consommation ou du comportement (comme cela est montré par les échecs de tentatives de réduction ou d’arrêts) malgré l’existence de conséquences négatives. Cette définition est largement utilisée dans tous les critères internationaux de diagnostic (DSM-5 et CIM-10), et elle a la particularité d’être potentiellement compatibles avec les types de dépendances.
Le manuel de diagnostic et statistique des troubles mentaux, cinquième édition, communément appelé le DSM-V ou DSM 5, est la dernière version du document référence de l'American Psychiatric Association pour les noms, les symptômes et les caractéristiques diagnostiques de chaque maladie mentale reconnue, dont les dépendances. Les critères du DSM 5 pour les troubles liés à l'utilisation de substances sont fondés sur des décennies de recherche et de connaissances cliniques. Cette édition a été publiée en mai 2013, près de 20 ans après la publication initiale de la précédente édition, le DSM-IV, en 1994.

Les troubles addictifs peuvent correspondre à un abus ou une dépendance, et concerner de substances (comme l’alcool, la cocaïne, le cannabis, le tabac…) ou des comportements (comme le jeu pathologique, les troubles alimentaires, certaines activités sportives….). De plus, ils reposent sur deux mécanismes communs importants de la dépendance : l’effet récompense (augmenté) et le contrôle inhibiteur (diminué). L'alcoolo-dépendance est très étudiée dans notre laboratoire, en effet l’Europe est le lieu dans le monde où la consommation d’alcool est la plus élevée, et la France est l’un des cinq pays européens où le niveau est plus important malgré une diminution récente.

Inserm 1266 Institut de Psychiatrie et Neurosciences de Paris (2) Questions critères d’addiction du DSM-5

L'activation du système de récompense du cerveau est un élément central des problèmes liés à la consommation de substances - le sentiment gratifiant que les gens éprouvent à la suite de la prise de substances peut être si profond qu'ils négligent d'autres activités normales en faveur de la prise de la substance.
Alors que les mécanismes pharmacologiques pour chaque classe de substance sont différents, l'activation du système de récompense est similaire à travers les substances dans la production de sentiments de plaisir ou d'euphorie, les personnes disent souvent qu’elles sont «perchées».

L’Anorexie mentale


Les troubles du comportement alimentaires (TCA) sont des maladies psychiatriques complexes et multifactorielles, caractérisées par une perturbation grave du comportement alimentaire et entraînant une relation pathologique avec la nourriture, que ce soit en termes quantitatif et/ou qualitatif. Dans le DSM 5, les principaux troubles décrits sont l’anorexie mentale (AM), la boulimie (B) et hyperphagie boulimique ou binge eating disorder (BED).
L'anorexie mentale (AM) est définie par la restriction persistante de l'apport énergétique par rapport aux exigences conduisant à un poids corporel significativement faible, une peur intense de prendre du poids ou de devenir gros. L'AM présente le taux de mortalité le plus élevé de tous les troubles psychiatriques avec 10% de mortalité et est associé à des complications psychiatriques et somatiques comorbides graves et fréquentes, y compris le plus grand risque de tentative de suicide risque de 23 fois. L’AM est donc un problème de santé public majeur.
L’AM reste mal comprise et l'un des principaux défis est l'identification des facteurs impliqués dans le modèle de chronicité, de rechute et de gravité. L’AM a une composante génétique élevée avec une héritabilité d'environ 0,7. Selon nous, l'AM doit être évalué non seulement par l'expression verbale des symptômes, mais aussi par des endophénotypes plus fiables. L'approche basée sur les endophénotypes permet une meilleure compréhension de la physiopathologie de ce trouble complexe et facilite l'identification des gènes impliqués. Ainsi, les endophénotypes peuvent être plus appropriés pour détecter les gènes de vulnérabilité, car ils sont génétiquement moins complexes que les phénotypes.
Des études récentes soutiennent l'idée que l'AM pourrait être la conséquence d'un traitement de récompense aberrant et, combiné à un contrôle exagéré, pourrait impliquer des circuits neuronaux impliqués dans le traitement de la récompense et la compulsivité. Les modèles de patrons modifiés de l'activité cérébrale associés aux tâches de traitement émotionnel et de récompense, liés à des stimuli plus ou moins spécifiques de la maladie, ont fourni des informations importantes sur les mécanismes sous-jacents aux symptômes de l'AM. Il a été suggéré que la minceur pourrait avoir une valeur de récompense dans l’AM.

Notre recherche récente sur l’Anorexie mentale
Figure : paradigme estimation du poids de différentes silhouettesFigure : paradigme sentiment de satisfaction de différentes silhouettes
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Nous avons récemment évalué les caractéristiques de la réponse cognitive, émotionnelle et physiologique vis-à-vis des images spécifiques à la maladie des formes corporelles féminines, chez les patientes adultes atteintes d'AM comparativement aux femmes témoins saines. La fréquence et l'amplitude de la réponse de la conductance cutanée (CC) chez 71 patientes AM et 20 contrôles ont été enregistrées lors du traitement des stimuli de trois catégories d’images de silhouettes de poids (surpoids, poids insuffisant et poids normal). Nous avons ensuite évalué le rôle du polymorphisme Val66Met du gène BDNF comme facteur intermédiaire potentiel. Les patientes ont présenté des sentiments plus positifs pendant le traitement des stimuli de poids insuffisant et plus de sentiments négatifs pour les stimuli normaux et de surpoids. La conductance cutanée a montré un effet de groupe significatif, les patientes AM présentant une fréquence globale plus élevée de la réponse. La conductance cutanée chez les patientes était plus fréquente lors du traitement des sous-poids des stimuli par rapport à la normale et les stimuli en surpoids. L'allèle Met du gène BDNF était associé à une fréquence accrue de la conductance cutanée en réponse à des indices de faim. Une plus forte valeur positive de la faim, plutôt qu’une valeur négative de surpoids, pourrait définir plus précisément les femmes avec l'anorexie mentale. Ainsi, l’anorexie serait plutôt un plaisir de maigrir plutôt qu’une peur de grossir.


Clarke J, Ramoz N, Fladung AK, Gorwood P. Higher reward value of starvation imagery in anorexia nervosa and association with the Val66Met BDNF polymorphism. Transl Psychiatry. 2016 Jun 7;6(6):e829

Information presse INSERM 2016 06 07

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Analyse phenotypique et endophenotypes


Notre approche endophénotypique est englobée dans notre approche est « phénotypique », c’est-à-dire qu’elle se base sur ce que l’on observe. Nous cherchons ainsi les déterminants cliniques simples et communs aux différentes addictions, permettant de simplifier la définition du concept sur lequel sont basées les études génétiques (Service de la CMME du Pr Philip Gorwood, Hôpital Sainte-Anne, Service du Pr Caroline Dubertret, Hôpital Louis Mourier, Service du Pr Frédéric Limosin, Hôpital Corentin-Celton, Service du Pr Cédric Lemogne Hôpital HEGP, Service du Pr Florence Thibaut, Hôpital Tarnier-Cochin, Dr Julia Clarke et Sara Bahadori Hôpital Robert Debré). Dans le registre clinique, les études tiennent compte de l'âge de début, de la comorbidité psychiatrique, de la réponse au traitement (psychopharmacogénétique), des modalités de fonctionnement cognitif évalué à l'aide de paradigmes expérimentaux mesurant l'impulsivité et la recherche de gratification immédiate.

Analyse développementale


Il s’agit d’étudier de jeunes sujets (enfants, adolescents et jeunes adultes) et de pouvoir effectuer un suivi longitudinal de ces sujets ou des patients adultes sur plusieurs années.
Ainsi, dans le passé, nous nous sommes polarisés sur l'hyperactivité avec déficit de l'attention, qui a la particularité de toucher les sujets dès l’enfance (avant toute consommation) et d'être un facteur de risque considérable pour les addictions ultérieurement [Asch M, Cortese S, Perez Diaz F, Pelissolo A, Aubron V, Orejarena S, Acquaviva E, Mouren MC, Michel G, Gorwood P, Purper-Ouakil D. Psychometric properties of a French version of the junior temperament and character inventory. Eur Child Adolesc Psychiatry. 2009, 18:144-53], [Saudino KJ, Carter AS, Purper-Ouakil D, Gorwood P. The etiology of behavioral problems and competencies in very young twins. J Abnorm Psychol. 2008, 117:48-62.], [Purper-Ouakil D, Cortese S, Wohl M, Asch M, Acquaviva E, Falissard B, Michel G, Gorwood P, Mouren MC. Predictors of diagnostic delay in a clinical sample of French children with attention-deficit/hyperactivity disorder. Eur Child Adolesc Psychiatry. 2007, 16:505-9].


Plus récemment, nous avons étudié l’effet ressenti d’une première consommation de cannabis et les conséquences sur le développement d’une dépendance à cette substance chez des jeunes adultes [Le Strat Y, Ramoz N, Horwood J, Falissard B, Hassler C, Romo L, Choquet M, Fergusson D, Gorwood P. First positive reactions to cannabis constitute a priority risk factor for cannabis dependence. Addiction. 2009 Oct;104(10):1710-7.].
La schizophrénie et les troubles bipolaires sont aussi des pathologies que nous étudions sous l’angle des addictions qui sont associées, en particulier pour la consommation de cannabis (Pr Caroline Dubertret et Dr Jasmina Mallet, participation au réseau FondaMental, directrice de la fondation Pr Marion Leboyer).

Génétique et épigénétique : marqueurs biologiques


Le laboratoire recherche des marqueurs biologiques dans l’anorexie mentale [Ramoz N, Versini A, Gorwood P. Eating disorders: an overview of treatment responses and the potential impact of vulnerability genes and endophenotypes. Expert Opin Pharmacother. 2007, 8:2029-44], pouvant notamment être associé à un risque suicidaire accru [Foulon C, Guelfi JD, Kipman A, Adès J, Romo L, Houdeyer K, Marquez S, Mouren MC, Rouillon F, Gorwood P. Switching to the bingeing/purging subtype of anorexia nervosa is frequently associated with suicidal attempts. Eur Psychiatry. 2007, 22:513-9].
Nous réalisons des analyses génétiques et épigénétiques (niveau de méthylation de l’ADN et expression des petits ARN non codants) dans l’anorexie mentale à partir de familles (parents et enfant atteint) ou d’études de cas versus témoins.

Figure : Automate 7900HT Fast Real-Time PCR system pour PCR quantitative pour le génotypage de l’ADN ou la quantification d’ARNFigure : Génotypage d’un variant génétique chez 384 sujets
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Nous participons au consortium international sur l’Anorexie mentale, GCAN [Hinney A, GCAN, The Wellcome Trust Case Control Consortium 3 (218 collaborateurs). Evidence for three genetic loci involved in both anorexia nervosa risk and variation of body mass index. Mol Psychiatry. 2016, in press; Kesselmeier, GCAN, The Wellcome Trust Case Control Consortium 3 (218 collaborateurs). High-throughput DNA methylation analysis in anorexia nervosa confirms TNXB hypermethylation. World J Biol Psychiatry. 2016, 1:1-13. Huckins LM, GCAN, The Wellcome Trust Case Control Consortium 3 (218 collaborateurs). Using ancestry-informative markers to identify fine structure across 15 populations of European origin. Eur J Hum Genet. 2014, 22(10):1190-200; Boraska V, GCAN, The Wellcome Trust Case Control Consortium 3 (218 collaborateurs). A genome-wide association study of anorexia nervosa. Mol Psychiatry. 2014, 1 9(10):1085-94]

Figure : Différences statistiques des niveaux de méthylations pour 450000 sites de l’ADN entre différentes populations (AN : patientes AM, Control : femmes contrôles, Rem ; patientes en rémission)

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Modèles animal


Les modèles animaux (Dr Virginie Tolle et Odile Viltart) nous permettent de réaliser in vivo des analyses fonctionnelles, principalement sur les troubles des conduites alimentaires. Des animaux portant des modifications génétiques sont constitués, tel que des souris dont le gène codant pour la préproghréline est invalidé. Et des modèles environnementaux sont aussi réalisés. La combinaison des deux permet d’étudier la pathophysiologie des troubles des conduites alimentaires. On peut étudier les réseaux neuroanatomiques reliant les circuits d'alimentation et de récompense / dépendance. On explore ainsi le comportement alimentaire, la récompense, l'activité et l'anxiété en relation avec les variations des biomarqueurs clés liés aux comportements alimentaires.

Figure : Réseaux neuroanatomiques reliant les circuits d'alimentation et de récompense / dépendance et implication de la ghréline

Figure : Différentes analyses à partir des modèles animaux

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Conclusions


En résumé, les objectifs généraux que notre équipe INSERM de recherche poursuit sont (1) d'analyser les spécificités des pathologies du spectre phénotypique des comportements addictifs que sont les troubles du comportement alimentaire (analyse tempéramentale, comorbidité addictive et vulnérabilité génétique).


Egalement, nous (2) augmentons la cohorte de sujets alcoolo-dépendants ou à risque chez une cohorte de 800 sujets alcoolo-dépendants (PHRC) suivis à 2 ans (en face-à-face) et à 10 ans pour le statut vital. Une autre collaboration entre l’INSERM et le National Institute of Alcohol Abuse and Alcoholism (NIAAA), nous a donné l’unique opportunité de disposer de 150 familles du consortium américain Collaborative work on the Genetics of Alcohol Dependence (COGA), ainsi qu'en recrutant, via une collaboration avec le Dr Choquet (INSERM U669) l’observatoire régional de la santé Champagne-Ardenne, les soutiens de la fondation pour la recherche sur l’alcool (FRA/Fondation de France) et de la MILTdeCA, d’une cohorte de 3000 jeunes sujets majeurs de la population générale, en évaluant leur niveau de consommation des différentes substances addictives et leur niveau de tolérance initiale à l'alcool, en confrontant ces données aux données génétiques obtenues et par une étude prospective pour évaluer l’évolution de conduites d’abus à celles de dépendances.


Enfin, (3) nous souhaitons poursuivre sur des modèles in vitro de culture cellulaire ou in vivo sur des animaux. Nous poursuivons également les analyses génétiques des gènes candidats pour mieux percevoir sur quelle dimension phénotypique ce gène pourrait avoir un impact et cela dans différents troubles addictifs et psychiatriques, d’autant que récemment ce gène a été impliqué dans la dépendance à la nicotine et à l’alcool.
Notre laboratoire se place donc à l'interface entre la caractérisation phénotypique des addictions et des pathologies qui en font le lit et la recherche des facteurs de vulnérabilité génétique. Notre recherche permet de concrétiser et d'enrichir des collaborations déjà importantes, et facilite les recherches communes autour de la relation complexe entre la définition du phénotype "addiction" (clinique, thérapeutique, épidémiologique, tempéramentale, neurocognitive et physiologique) et les génotypes ou l’épigénétique potentiellement impliqués.


Les retombées attendues portent donc sur

- une meilleure compréhension des mécanismes impliqués dans le processus de dysconsommation et de dépendance,

-la définition de sous-groupes de sujets de déterminisme plus simple facilitant leur reconnaissance et donc leur prise en charge,

- la découverte de gènes de vulnérabilité permettant un repérage précoce de sujets à risque, une adaptation du traitement de manière plus appropriée (pharmacogénétique), voire la découverte de nouvelles protéines ayant un rôle significatif, fournissant ainsi de nouvelles pistes thérapeutiques.


Pour conclure, nos recherches se consacrent à une analyse multifactorielle des comportements addictifs se basant sur quatre aspects essentiels et intriqués, l'analyse phénotypique, l'aspect développemental, la recherche des facteurs de vulnérabilité et de protection génétiques et épigénétiques, et enfin leurs conséquences fonctionnelles.

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